5 août 2007
"Il n'y a plus d'après, à St-Germain des Prés.." : Juliette Gréco en spectacle
On ne se cachera pas la vérité : j’y allais parce qu’en tant qu’amateure de chansons française (Piaf, Brel, Reggiani…) je ne voulais pas manquer ce qui sera probablement dernier spectacle de Juliette Gréco au Québec. Son répertoire m’était pratiquement inconnu… du moins je le croyais. La participation de Diane Dufresne (dont je suis complètement addict : je voulais ma dose!!) et l’obtention d’un p’tit deal sur le prix du billet avaient achevé de me convaincre.
Vers 20h15, Madame Gréco se pointe sur scène. Ouf, ça ne paie pas de mine : une vieille femme rachitique n’ayant que la peau et les os et qui porte une robe avec tellement de tissus sous les bras que lorsqu’elle écarte les bras, on peut la confondre avec batwoman. Elle avance « à petits pas de bigotes ». Néanmoins, dès son apparition, la salle se lève et lui fait une ovation de quelques minutes. De ma deuxième rangée au centre, je la sens très émue.
Elle entame le spectacle avec une chanson qui s’intitule « Non, monsieur, je n’ai pas 20 ans » et dans laquelle elle dit que 20 ans c’est l’âge ingrat : « Ben coudonc, ya peut-être de l’espoir » que je me suis dit. Elle a enchaîné avec « Utile » , une reprise de Julien Clerc dont le texte est extraordinaire et que j’affectionne particulièrement. Elle commençait à me gagner la saudite.
Le spectacle de ce soir a été composé de reprises de Brel (Bruxelles, J’arrive, Ne me quitte pas, La chanson des vieux amants), de Gainsbourg ( dont La Javanaise en duo avec Diane), une chanson de Piaf (Les amants d’un jour ) et de Ferré (Jolie môme, Avec le temps) ainsi que des classiques de son répertoire, dont « Déshabillez-moi ».
Juliette Gréco venait célébrer son 80e anniversaire aux Francofolies. Si on excepte, la manière un peu ancienne de présenter les chansons « un texte de « x » , une musique de « y » + *insérer le titre de la chanson*), la gestualité teintée d’existentialisme lorsqu’elle saluait le public (j’avais envie de dire : « eille, là Sartre est dead, pitié! ») ainsi que la mémoire trouée (pour les paroles de certaines pièces ou les titres…), on ne croit pas aux 80 berges de l’artiste. Oui, elle est liftée (gang de mémères!) mais au-delà de ça, elle est tellement allumée, intense et conscientisée qu’on ne peut croire qu’il s’agit d’une mamie.
Gréco a joué d’humour également, d’abord pour s’extirper d’un trou de mémoire, ensuite pour présenter une chanson : « Bah, je sais qu’à mon âge je ne devrais pas la chanter.. mais je pense que je peux bien m’amuser aussi… » Et elle enchaîne avec une interprétation mi-coquine, mi-gouailleuse de « Déshabillez-moi »
Deux grands moments d’émotion du spectacle. Tout d’abord, le duo avec Diane Dufresne. Cette dernière avait la candeur, l’humilité et l’entièreté d’une gamine qui donne son premier pestacle. Elle est entrée un peu trop tôt – à petits pas précipités- , elle était un brin nerveuse, très excitée : une vraie môme , je vous le dis! C’était trop cute de la voir. Dès la dernière note de la chanson, elle s’est retirée backstage, comme si elle avait peur de voler la vedette.. Madame Gréco a dû insister pour qu’elle vienne saluer à nouveau.. car le public a apprécié! (et moi donc, vous imaginez bien!)C'était la deuxième fois que Dufresne et Gréco chantaient "La Javanaise" ensemble... sans que ça ne nous déplaise!
Ensuite, vers la fin du spectacle Gréco annonce « De Brel et Jouannest, un dialogue avec la mort, « J’arrive » ». Et ça commence « De chrysanthèmes en chrysanthèmes… » .. De voir une femme de cet âge interpréter avec tant de force ce texte : c’était criant de vérité et assommant tout à la fois. Les applaudissements sont tombés en rafales sur elle, qui s’est tenu à deux mains après son pied de micro, les yeux trempés… Elle était manifestement secouée par l’accueil du public du théâtre maisonneuve.
J’ai passé une agréable et intense soirée en assistant au spectacle de ce dernier monument de la « chanson française » telle que pratiquée dans l’après-guerre… W-O-W! *vertige d’historienne*
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1 commentaire:
Wow, quel beau compte-rendu! On s'y croirait!!
Toutes mes félicitations!
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